Certains dirigeants nourrissent un complexe du patron héroïque. Il leur semble qu’ils devraient en toutes circonstances avoir une vision pour l’entreprise. Les mythologies d’entreprises, les mythologies de grands patrons concourent à ce complexe. Souvent, les attentes, les fantasmes des collaborateurs y contribuent aussi : leur patron devrait faire toujours preuve de lucidité, de conviction, de détermination.
Or tous les dirigeants ont des moments de brouillard, de doute. C’est notamment le cas dans des périodes de mutation profonde, dans lesquelles la croissance voire la survie de l’entreprise sont en jeu.
Mais dans ces périodes d’incertitude et de turbulences, le dirigeant a aussi des intuitions précises ou ténues, parfois sur une tendance à laquelle il faut prêter attention, parfois sur une direction dans laquelle il ne faut pas aller, … des intuitions essentielles à écouter.
Cette complexité, ces paradoxes sont inhérents à la fonction de dirigeant. Néanmoins, lorsqu’on élabore la vision et la stratégie d’une entreprise, il est particulièrement important de donner toute leur place aux questions, aux doutes comme aux intuitions. Avec mes associés de La Boetie Partners, durant ces démarches, nous recommandons de réunir régulièrement autour du dirigeant ce que nous appelons un noyau. Un noyau, c’est un groupe de trois ou quatre collaborateurs de grande confiance, choisis non en fonction de leur statut mais pour la variété de leurs angles de vue et surtout la grande confiance que le dirigeant a en eux. Une configuration qui permet de partager des doutes et des questions, décanter, tâtonner, et peu à peu discerner.