Mettre en musique une nouvelle organisation : sept pièges à éviter

Par Eleonor Simiu

Passage d’une organisation par marché à une organisation par métier, ou d’une organisation structurée par marques à une organisation par marché ;  création d’une nouvelle business unit, d’un nouveau rôle — Chief Operations Officer, Chief Digital Officer, Chief Data Officier — mise en place de centre de compétence, ou suppression d’un niveau hiérarchique, restructurations. Ces évolutions, parfois ces mouvements de balancier font partie de la vie des entreprises. Ils sont indispensables pour coller autant que possible à l’évolution des marchés, des clients, des technos … Mais ils sont également source de flottement, d’inquiétude. Avec cette check-list, je cherche à attirer votre attention sur certaines étapes, certains aspects parfois négligés, qui peuvent être source de malentendus préjudiciables.

1. Communiquer une fois l’organisation définie dans les moindres détails

C’est probablement l’enseignement numéro un de mon expérience dans l’accompagnement des réorganisations, mais aussi le plus délicat à exécuter. Lors d’une « réorg », quelle que soit la manière dont on prend, dont on présente les choses, il y a des gagnants et des perdants. Des acteurs, des fonctions qui voient leur pouvoir s’accroître, des managers dont le budget diminue … Quand il s’agit de coucher sur papier une nouvelle organisation, l’approche participative trouve ses limites. Il faut trancher, choisir, faire des mécontents. Sur ces sujets, une consultation large ne peut déboucher que sur la frustration. Les décisions se prennent inévitablement en petit comité.

En revanche, dès que les grands principes sont définis, et sans attendre les détails des process et des fiches de poste, il est grand temps d’impliquer tous les acteurs. Pas question d’attendre que l’organisation soit définie dans les moindres détails pour communiquer ! Bien sûr, il s’agit de faire de la pédagogie, expliquer la logique, les enjeux, donner de la perspective, répondre aux questions. Il s’agit aussi de permettre l’expression des réactions, des craintes, des déceptions ; mais aussi des idées : ce qui fonctionne bien aujourd’hui et qu’il ne faut pas perdre ; les points d’attention sur le plan de mise en œuvre. Et d’écouter vraiment. Certes, derrière certaines réactions, il y a des questions d’ego, certaines remarques sont clairement intéressées. Mais il y a aussi, presque toujours, une volonté authentique de transmettre une expérience, une connaissance du terrain, précieuses pour la réussite de la nouvelle organisation.  

2. Tarder à annoncer les nominations et les suppressions de postes

Une fois la réorganisation définie, deux sujets doivent très vite être tranchés : les budgets et les RH. Du point de vue technique, ces deux sujets prennent souvent la forme d’une matrice de transfert. Qui sera muté ? De quel budget disposera la nouvelle entité, et au détriment de qui ? Ce sont à l’aune de ces chiffres qu’on évalue la véritable portée de la transformation. Souvent, alors que le principe de la transformation semblait faire l’unanimité, c’est quand on aborde ces sujets que les relations se tendent. 

Alors, une fois le principe de la réorganisation acté, il faut aller vite, pour décliner les décisions dans les différentes entités, couper court aux querelles de clochers et aux états d’âmes. Il faut rapidement être en mesure annoncer les choix, les décisions, les nominations et les départs. Faute de quoi un climat d’incertitude, de démobilisation, de rumeurs risque de s’installer.

3. Perdre de vue la logique business

Définir le « Responsible Accountable Consulted Informed » (RACI) sur les grands process, c’est indispensable, bien sûr …  Mais quand on définit une nouvelle organisation il existe un risque réel de se noyer dans les subtilités de process, le traitement des multiples cas, et d’adopter un point de vue purement « qualiticien ».

Quand on présente le plan de mise en œuvre d’une nouvelle organisation, la cohérence et l’exhaustivité ne suffisent pas. Outre le détail des processus, des rôles et responsabilités, il faut faire le lien avec les priorités business, au niveau macro (quels sont les enjeux et les objectifs de la nouvelle organisations) mais également pour les détails plus opérationnels de l’organisation … En quoi, précisément, la nouvelle organisation va nous aider à accélérer sur le Digital ? Quels seront les livrables du Centre de Compétence ? Pouvez-vous donner des exemples ? C’est ainsi que les équipes se représenteront concrètement ce qui va changer pour elles, ce que ça va leur apporter.

4. Annoncer une double ligne de reporting … et puis débrouillez-vous avec ça   

Dans de grands groupes, présents dans plusieurs pays, plusieurs métiers, avec parfois plusieurs marques, l’organisation matricielle s’impose – parfois il s’agit carrément d’un « cube » de « reporting lines ». 

Des lignes de rattachement pleines, d’autres en pointillés … Mais en fait, concrètement qu’est-ce que ça veut dire ? Préciser d’emblée quelles seront les responsabilités en termes d’objectifs – de manière classique le manager « en pointillés » définit 30% des objectifs – aide les équipes à y voir plus clair. Détailler les rôles et responsabilités en termes d’embauche ou de licenciement est également conseillé. 

Parfois, quand c’est une nouveauté pour les collaborateurs, l’organisation matricielle peut susciter des inquiétudes … Cela peut être intéressant de les sensibiliser aux avantages des doubles rattachements. Et ils sont réels, une organisation matricielle permet de combiner une vraie intégration aux problématiques business avec un approfondissement de l’expertise sectorielle, mais aussi de se constituer un double réseau de relations à l’intérieur de l’entreprise.

5. Laisser les équipes jouer au jeu des différences pour comprendre ce qui change 

Lors d’une nouvelle organisation les fiches de postes sont très attendues (de même que les titres !). Elles découlent de la description des rôles de chaque entité, des grands process et interfaces. 

Il peut être éclairant de compléter la traditionnelle description de la liste des responsabilités par d’autres angles d’attaque. Par exemple, préciser explicitement pour chaque poste ce qui va changer, ce qui n’est pas ou plus dans le périmètre de responsabilité, ou encore les règles d’or de la nouvelle organisation. 

6. Négliger la planification 

Un changement d’organisation, cela implique en général de remanier les grands process qui rythment la vie de l’entreprise, dont notamment les évaluations RH – avec leur corollaire, les augmentations, et le processus budgétaire. Nouvelles entités, nouveaux responsables à impliquer… Cela peut impliquer de lancer les premières étapes de ces processus plus à l’avance qu’auparavant.

7. Vouloir répondre à toutes les questions 

« Et si jamais … » « Comment on va faire faire si … ». On peut préciser les détails d’une nouvelle organisation quasiment à l’infini … Mais confronté à certaines questions, plutôt que d’ajouter un nouveau process, ou d’essayer de broder pour montrer que tous les aléas sont bien pris en compte… un honnête « je ne sais pas, on verra » est parfois la meilleure réponse ! A un certain point, mieux vaut se jeter à l’eau et accepter qu’on définira précisément la manière de traiter certains cas au moment où ils se présenteront.

Share on facebook
Facebook
Share on google
Google+
Share on twitter
Twitter
Share on linkedin
LinkedIn
Share on pinterest
Pinterest
Share on email
Email

Mes tips pour réussir vos études et projets stratégiques

Inscrivez-vous pour recevoir mes articles

L’ambition de mon blog ? Vulgariser l’état d’esprit et les pratiques « consulting ». J’y reprends des conseils que j’ai eu l’occasion de donner à mes clients (et maintes fois répété à mes chers jeunes consultants). Je suis persuadée que certaines bonnes pratiques, pas si compliquées à intégrer, peuvent significativement améliorer la manière dont vous préparez vos dossiers, vous décidez, vous avancez sur vos projets stratégiques.

Mes autres articles

Eleonor Simiu

Consultante indépendante en stratégie, spécialisée dans la grande consommation, l’automobile et l’assurance, j’aide mes clients à prendre du recul, à aborder leur problématique de manière factuelle, systématique, structurée. Coach certifiée, je crois en la puissance d’un diagnostic vraiment co-élaboré avec les équipes de mes clients.