Cet article est inspiré de mes discussions avec Stéphane Rémy, fondateur de Fluidity (intelligence collective et IA).
Vous préparez le plan stratégique à trois ans de votre activité. Bien sûr, vous avez déjà vos idées sur les dysfonctionnements majeurs, les incontournables, les business d’avenir sur lesquels il faudra bien se positionner. Vous prévoyez de finaliser le plan avec votre état-major, peut-être en vous mettant au vert un jour ou deux … Et si cette fois-ci vous élargissiez le cercle, et que vous exploitiez la puissance de l’intelligence collective ? Ce passage obligé du plan stratégique peut s’avérer une grande richesse, pour mieux comprendre, et mieux faire comprendre, confronter les idées à la connaissance terrain, et mobiliser les équipes. A condition de suivre quelques lignes directrices, garder en tête quelques points de vigilance, pour tirer le meilleur du collectif … et aussi d’ajouter aux moments clés du processus quelques pincées d’ « intelligence individuelle ».
Utiliser le collectif pour dépasser les biais individuels
- Capitaliser sur tous les « capteurs ». Le collectif est très puissant dans la toute première phase de la planification stratégique, l’analyse du contexte interne et externe – ou diagnostic, ou SWOT, peu importe le nom qu’on lui donne. Chacun peut apporter son expérience, sa connaissance du terrain, ses échanges avec les clients, fournisseurs partenaires. On évite les angles morts , et on gagne en précision de manière très rapide et efficace. Allouer un temps suffisamment confortable à cette première phase est souvent déterminant pour la richesse et la pertinence du résultat final. Si on « bâcle » cette première phase d’état des lieux, qu’on incite les participants à trop vite s’exprimer sur « ce qu’il faut faire », on se retrouve à brasser des généralités.
- Eviter le groupthink et l’effet « tournesol ». Laisser la diversité des points de vue s’exprimer, c’est essentiel ! Pas question de tomber dans les travers que nous avons tous si souvent expérimentés dans nos réunions professionnelles, le conformisme (groupthink) et l’effet tournesol (tendance des groupes à s’aligner sur le point de vue des leaders). Pour cela une bonne pratique est d’aménager des temps de « réflexion individuelle préalable » avant de partager les idées, afin de limiter l’effet de prescription. Par ailleurs, certains outils collaboratifs digitaux, tels que Fluidityapp, offrent la possibilité d’un mode « anonyme ». Les participants peuvent ainsi, exprimer sans s’exposer leurs doute sur la lubie du patron, qu’il s’agisse d’investissements dans les objets connectés ou de la nouvelle stratégie révolutionnaire de communication…
- Confronter les idées. Miser sur les prix bas ou sur la qualité de service ? Investir dans l’éolien ou la capture de CO2? Définir une stratégie, c’est choisir, et donc renoncer. Accompagner le groupe dans ces décisions peut prendre divers formes. Le vote n’est pas forcément la plus adapté. Par ailleurs ce n’est toujours en live que ce fera le choix définitif. En tous cas, il s’agit de permettre à chacun de rebondir sur les idées des autres, d’exprimer ses enthousiasmes mais aussi ses incompréhensions et ses doutes sur l’image collective qui émerge. Pour construire une stratégie bullet-proof, mais aussi préparer l’alignement collectif sur une stratégie, dont tous se sentiront vraiment solidaires.
Injecter de l’intelligence individuelle pour nourrir, renforcer … et faire
- Penser et créer. Les vraies idées en rupture, on ne les a pas sur commande ! Y a-t-il d’ailleurs de véritable recette ? A part peut-être s’oxygéner, réserver un « espace mental » à la créativité, et aussi se donner les moyen de cueillir ces idées qui s’épanouissent hors du processus de planification.
- Mesurer. On l’a tous vécu, dans le feu de la discussion surgit une idée extrêmement séduisante, un service irrésistible. On tient notre nouvel axe, qui se retrouve en tête du plan stratégique ! Mais quelques mois plus tard le marché s’avère minuscule, et le plan accouche d’une souris. Pour se prémunir de ce type de déconvenue, ne pas se décrédibiliser, le mieux est de prévoir un aller-retour entre brainstorming collectif et instruction en individuel ou petit groupe. Ce petit groupe pourra ainsi creuser une piste, vérifier combien ça coûte, s’il y a vraiment des clients intéressés … pour conforter ou infirmer l’intuition. Il ne s’agit pas de construire un business plan détaillé mais de creuser les grandes hypothèses et “sentir” les ordres de grandeurs.
- Agir. Chacun des axes du plan sera confié à un porteur, qui sera responsable d’établir son plan d’action détaillé, et le réaliser. Mais il faudra se préserver des rendez-vous réguliers, regroupant tous les porteurs, le premier idéalement un mois après avoir établi le plan stratégique. Nous pourrons ainsi nous assurer qu’à côté du business as usual nous commençons, chacun sur nos sujets, à cheminer dans la réalisation de notre beau projet collectif.